lundi, 04 avril 2016
En-tête
Barcelone, Jour 1
Cela fait quelques semaines que j'entoure, que je flèche, que je souligne, que j'interroge la carte de Barcelone. Pour ne pas arriver totalement en terra incognita, bien que j'adore ça : quitter mes îles pour arriver en une terre inconnue.
A Barcelone, ma morveuse et moi, nous y sommes enfin depuis cet après-midi. En descendant de l'aérobus, nous avons décidé de gagner la Casa de Marcelo à pied, pour un premier contact, traînant joyeusement nos valises, faisant fi de la fatigue.
A peine installées, nous sommes reparties. Non pas pour prendre quelques repères dans la ville mais pour rejoindre le Musée Européen d'Art Contemporain, à deux encablures de là. Ce musée, je l'avais placé en-tête de notre périple. P. m'en avait longuement parlé et j'aimais bien l'idée de commencer par là.
On rentre dans ce musée qui s'élance sur trois étages comme dans un havre de paix. Au premier étage, une exposition consacrée au sculpteur Joseph Clara. Au 2ème et 3ème étage, des collections permanentes.
Au MEAM, ce qui reste inoubliable, c'est le reflet ; s'y cache un dialogue muet entre les oeuvres. Il faut se baisser, se pencher à gauche puis à droite, se mettre sur la pointe des pieds pour ne rien manquer de ce qui se chuchote là. Petite visite personnelle que j'intitule En tête.
Sous la moustache impeccablement lissée et la paupière abandonnée peut se cacher quelque nudité effrontée.
Joseph Clara, Dolor
Ca doit être cela, la vraie douleur qui émacie le visage : porter deux christs en tête, ça devient compliqué de dire jecroisenunseuldieu.
Patricia Riveras, Retrats
Ces trois-là semblent vides de pensées, n'ont rien en-tête ou du moins surtout pas ce qui se passe derrière, à côté d'eux : une mater dolorosa portant le corps de sa fille.
Abraham Nevado, Synergia
Dans ces deux têtes de 4289 feuilles de papier pourraient se glisser de multiples pensées. Etonnamment, un seul songe se loge dans toutes les strates, celui d'une femme comme un hologramme.
08:01 Publié dans BAL(L)ADE, PICTURA | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : casa marcelo, meam, joseph clara, patricia riveras, abraham nevado, barcelone | Facebook |
mardi, 15 mars 2016
Pile de plis
Empilement, Athènes, 2015
Emplie de plis
je me lève
même pas chiffonnée
je dégoupille un demi piment rouge
et file donner la réplique à cette journée
pour lui insuffler le désir de se déplier
à l'heure des complies
juste avant le repli des pupilles
je l'estampille désopilante
09:58 Publié dans BAL(L)ADE, LE SEL DE LA VIE | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |
lundi, 07 mars 2016
Murmures
© Pili Vazquez, A cor et à cri, Cuba, 2016
Souvent au seuil de la journée
l'homme s'adosse contre le mur
loin de tout arrêt de car ou de gare
colonne vertébrale verticalement calée
jambes à la tangente tête droite immobile
absent aux corps qui passent
avec certitude et le dépassent
en hâte accros à la vie
il n'attend pas le car pas le train
mais cet instant où dans le dédale de ses os
monte la chaleur emmagasinée
par la paroi aux heures les plus chaudes
ses lèvres dérogent alors à l'immobilité
elles façonnent quelque incantation
pour ceux qui
à la sortie
de l'usine
du bureau
ou du chantier
de leur vie
s'adossent là
pensant
ne plus pouvoir
d'ombre
en ombre
atteindre
l'arrêt de car
ou la gare
accrocs de la vie
c'est pour eux qu'il recharge le mur en murmures
07:02 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : mur | Facebook |
dimanche, 21 février 2016
Se tenir
Si facilement on tient
la chandelle la plume
l’article la queue de la poêle
et même la dragée haute
si aisément on tient
tête ferme compte ou rigueur
tout en tenant son sérieux
en haleine en bride
en échec en laisse en respect
on tient aussi
et même à cœur
mais se tenir debout
10:10 Publié dans BAL(L)ADE, LE SEL DE LA VIE | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook |
vendredi, 12 février 2016
C'est bête (avec un accent circonflexe)
Athènes, 2015
Ne nous racontons pas d’histoire
- chair de poule -
si nous nous acharnons ainsi
à vider les mers
à désertifier les terres
à embrouillarder les airs
si nous nous acharnons ainsi
à éradiquer
le crapaud amoureux
la baleine hilare
le lapin chaud
la poule mouillée
le mouton à cinq pattes
la bête à deux dos
l‘anguille sous sa roche
la puce à l’oreille
la grenouille de bénitier
la mouche fine ou assassine
l’oiseau de Jupiter ou de Venus
et même ceux de mauvaise augure
si nous nous acharnons
à tout éradiquer
sauf le veau d’or
nous sommes faits comme des rats
et il est presque trop tard
pour quitter le navire
13:54 Publié dans BAL(L)ADE, ESPACES DES CRIS | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook |
lundi, 21 décembre 2015
Perdre la saison
Une fois encore nous y sommes : c'est le solstice d'hiver. A la fois, entrée dans l'hiver et dès demain, retour flegmatique de la lumière. Sauf que cette année, ça cloche, ça carillonne, ça sonne l'alarme.
Hier, malgré l'étroitesse du jour, on est partis randonner toute la journée, au-dessus de Beaufort-sur-Gervanne. Certes il y avait le GR commencé dans la pénombre, les flancs des montagnes gris-marron foncé comme une terre brûlée, les arbres entremêlant leur nudité, le silence entre nuages et terre, l'envol d'une buse et le retour entre chien et loup alors que ce n'est que l'heure du thé. Mais surtout, il y avait cette extrême douceur dans l'air comme un premier jour de printemps ; quand on sait bien qu'on met la polaire dans le sac à dos par précaution mais qu'elle y restera.
A la fin de la journée, la semelle fourbue et heureuse, assise à la terrasse du bistro du village sous les seules étoiles d'une guirlande de Noël, mon coeur s'est pincé. A la table d'à côté, deux anciens se disaient qu'il n'y avait plus de saisons.
10:02 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : solstice d'hiver | Facebook |
jeudi, 29 octobre 2015
Retournement
entre Saint Hilaire la Palud et Monfaucon
On ne sait plus où la terre où le ciel
On ne sait plus où le reflet où l'arbre
On ne sait plus la nostalgie et l'attente du temps suivant
On ne sait plus que cheminer
08:50 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : st hilaire la palud | Facebook |
lundi, 26 octobre 2015
Effarement
Pointe des Minimes, premier soir d'automne passé à l'heure d'hiver.
Nous cheminons lentement le long du rivage. M. glane ce que la mer a délaissé, huitres et galets portant fossiles. Immobile, je laisse un dernier fil de soleil étendre mon ombre loin derrière moi, totem noir sur pierres de craie.
A l'intérieur, c'est flux et reflux d'une impression insolite : quelque chose relie ma bobine de vie à ce lieu.
Impression d'autant plus étonnante que depuis la nuit de mes temps, à la question d'où viens-tu, je reste sans mots et cache mon é-motivité par un détournement. Je ne viens de nulle part. Née à Paris, mon enfance a été brinquebalée à l'Ouest -Bordeaux, La Rochelle, Auch- trop rapidement pour pouvoir s'enraciner, trop prestement pour espérer s'ancrer. Elle s'est définitivement échouée dans une banlieue à l'ouest de Paris, prétentieuse et hautaine.
M., moi et mon sentiment d'appartenance longeons la côte jusqu'à la première plage. Là un bistrot a des allures de bout du monde. Ce n'est pas encore tout à fait le moment de l'apéro sous l'heure d'hiver. Nous nous adaptons en commandant gaufre et martini.
Sur le chemin du retour, dans une pénombre distraite par la pleine lune, le phare est notre repère.
09:03 Publié dans BAL(L)ADE, MOTS ITINÉRANTS | Lien permanent | Commentaires (7) | Facebook |
samedi, 24 octobre 2015
Livresse
"La littérature est un point d'arrivée qui ne répond ni aux genres ni aux thèmes. Il survient et alors c'est une fête pour celui qui lit. La littérature agit sur les fibres nerveuses de celui qui a la chance de vivre la rencontre entre un livre et sa propre vie. Ce sont des rendez-vous qu'on ne peut fixer ni recommander aux autres. La surprise face au mélange soudain de ses propres jours avec les pages d'un livre appartient à chaque lecteur. "
La parole contraire, Erri De Luca, Gallimard
Dans mon sac
des vêtements
des chaussures de course et de rando
et une pile de livres face contre face
Je passe par Tours puis file sur La Rochelle
Le long de l'Atlantique je m'inclinerai devant
l'année écoulée
mes jours se mélangeront aux pages de
Profession du père et Après le silence
Je longerai le rivage au pas de
course ou avec la lenteur de celle
qui efface de sa tête
les modes d'emploi de la vie
pour retrouver l'ivresse
d'un corps à corps avec la houle.
18:29 Publié dans BAL(L)ADE, ROMAN | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Les jours, Marlène Tissot
Pour entrer dans ce nouveau jour, des mots trouvés Sous les fleurs de la tapisserie ...
Les jours
Les jours se suivent
à distance respectable
en s'épiant
mine de rien
comme s'ils craignaient
que le prochain
les morde
ou qu'il leur fasse
de l'ombre
Le pire serait sans doute
qu'ils se mettent
à tous porter
le même costume
à marcher au pas
à baisser les bras
il faudrait parfois un hier
qui lambine
un demain qui se
pointe sans prévenir
et un aujourd'hui
qui ne se soucie
ni du précédent
ni du suivant
Marlène Tissot
06:18 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marlène tissot, sous les fleurs de la tapisserie | Facebook |
jeudi, 22 octobre 2015
Paroles contraires
© ma morveuse
Empiler dans une même après-midi
le notaire
la banque
le bonobo
la biocoop
La vie ressemble parfois à un futile édifice
Faire le tour des libraires et dénicher au fin fond d'une étagère
Si étroit entre des pavés
Parole contraire d'Erri de Luca
Fissure dans le mur de nos certitudes
Quitter l'asphalte de Louviers
Longer la maison d'arrêt de Val de Reuil
Tourner à gauche passer le pont
et s'arrêter à la Factorie
Là, dans une odeur de café, de gâteau au chocolat et de Copo, nous avons, ma morveuse et moi, redonné le temps au temps. L'une après l'autre, murmures de voix hautes, nous avons effeuillé Sous les fleurs de la tapisserie. C'était à celle qui lirait le dernier poème quand d'autres cherchent à avoir le dernier mot.
© ma morveuse
07:38 Publié dans BAL(L)ADE, ESPACES D'ECRITS | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : erri de luca, parole contraire, factorie | Facebook |
mercredi, 12 août 2015
Ponctuation maritime " (2)
Montmartin sur mer
Que dit-il le sable ? Le sable ne dit pas
Mis à nu il ne se donne pas de grain à moudre
Juste ça peut-être il sasse et ressasse les ressacs de la mer
Il n'attend pas son retour il sait qu'elle reviendra
Elle a tant oublié algues coquillages et crevettes
Alors elle sera pleine de lui
Et il sera à nouveau mouvant
Elle reviendra et refermera les guillemets.
08:08 Publié dans BAL(L)ADE, LITTORAL LITTERAIRE | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : montmartin sur mer, ponctuation maritime, guillemets, dw. | Facebook |
mardi, 11 août 2015
" Ponctuation maritime (1)
08:22 Publié dans BAL(L)ADE, LITTORAL LITTERAIRE | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : montmartin sur mer, ponctuation maritime, guillemets | Facebook |
mardi, 04 août 2015
De temps en temps
Modèle d'anatomie littéraire, Gaspard Lieb, 2015
Je me bal(l)adais ce matin sur le blog de Biloba et suis tombée sur la contrainte suivante : écrire un poème d'amour sans les mots fleur, papillon, absolu, amour, tendresse, coeur, oiseau et avec les mots TVA, lessive, slip, politique, télé et foot...
Ô Moucheron
Pendant que tourne la lessive
De nos doutes, de nos errances,
De nos lassitudes, de nos peurs
A quoi passerons-nous le temps ?
A regarder les temps morts
d'un match de foot ?
Mais nous n'avons plus de télé.
A écouter un débat politique ?
Mais nous ne voulons rien entendre
A l'ingérence austère.
Non Tu Veux Avoir du bon temps
" Fais-Moi Immédiatement* l'amour
Batifoler, bouillonner !"
Et je te dis : "enlevons nos slips "
* Il n'aura pas échappé au lecteur qu'est venue se rajouter une contrainte supplémentaire avec l'acronyme FMI qui est très dans l'air du temps.
07:57 Publié dans BAL(L)ADE, EXPRESSIONS ITINERANTES | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : temps, moucheron, tva, fmi, gaspard lieb | Facebook |
dimanche, 02 août 2015
Pied à pied
La photo ci-dessus est un panoramique vertical, expérimental et involontaire. Quelque trace d'une journée sur la côte normande : aile d'Icare survolant la pierre de sélénite. Le titre pourrait être "perdre pied" ou " d'arrache-pied ".
La photo ci-dessous se nomme " autoportrait en pied beau ".
13:24 Publié dans BAL(L)ADE, EXPRESSIONS ITINERANTES, LITTORAL LITTERAIRE, MOTS ITINÉRANTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arrache-pied, sainte-marguerite-sur-mer, yport | Facebook |
samedi, 01 août 2015
Passe-passe le temps
Retour de Sainte Marguerite-sur-Mer. La dernière ligne droite se fait en train. J'ai loupé le 19h12, j'attends le 20h12. Au-dessus des panneaux d'affichage, ça gambille à l'allure d'un TGV. L'aiguille des minutes a décidé de marquer les secondes, une heure en douze secondes - le temps nécessaire pour effeuiller la marguerite - une journée en moins de cinq minutes. Elle tourne à toute allure, plus le temps de se dire à tout à l'heure. Mon train part dans douze secondes.
08:19 Publié dans BAL(L)ADE, EXPRESSIONS ITINERANTES, LITTORAL LITTERAIRE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sainte-marguerite-sur-mer | Facebook |
lundi, 27 juillet 2015
Mölkkyport
Vendredi dernier, direction Yport avec D. et S. D'aucunes raconteront peut-être que j'avais choisi cette destination parce que j'avais lu N'oublier jamais de Bussi. Elles avanceront même pour preuve que, deux jours auparavant, je n'avais pas hésité à embarquer N. dans une nouvelle expédition à vélo direction Vernon et Giverny parce que j'avais lu Nymphéas noirs du même.La réalité est toute autre : j'ai choisi Yport parce que c'est la seule plage normande contenant les deux mêmes voyelles que le jeu auquel D. voulait m'initier, le Mölkky !
19:13 Publié dans BAL(L)ADE, LITTORAL LITTERAIRE, ROMAN | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : möllky, yport, n'oublier jamais bussi | Facebook |
dimanche, 26 juillet 2015
Ver à vers
" L’écriture vient des provocations auxquelles la vie nous soumet, mais parfois, plus simplement, il s’agit de répondre à des contraintes plus amicalement posées." Claude Vercey
Sur l'avers d'une tige de noyer un ver sait
qu'il va tracer sans tergiverser un verset :
quelque rêverie sans balises, veine inversée
vertige des seaux de rouille en une rue déversés ;
il se sent prêt à désarchiver des versets
qui glaçaient sous la laine pour en faire des vers, eh !
11:04 Publié dans BAL(L)ADE, MOTS ITINÉRANTS | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : ver sait, verset, jardin des possibles, dw. | Facebook |
mercredi, 08 juillet 2015
Un petit vélo dans la tête
Athènes, mai 2015
Retour sur un enchaînement de jours.
Mardi 30 juin, direction le fin fond de l'Eure pour aller corriger une quarantaine de copies de brevet. Louviers-Gisors : une cinquantaine de bornes sous la canicule, pas de clim' dans la voiture. J'éprouve néanmoins de la tendresse pour les trente premières bornes. Trois mois plus tôt, D. avait choisi cette même route, plutôt que l'autoroute, pour nous emmener mon morveux et moi à Roissy. Nous nous envolions pour Athènes.
Les vingt dernières bornes, je passe en terre inconnue. Sur le siège passager, la carte vole au vent, pas de GPS dans la voiture. En revanche, j'ai la radio : Alexis Tsipras convoque un referendum pour le 5 juillet. L'air est soudain plus léger dans l'habitacle. Tsipras, c'est Prométhée qui refuserait de se laisser dévorer le foie jusqu'à la fin des temps.
Athènes, mai 2015
Dimanche 5 juillet, les Grecs ont dit "oxi" au plan d'austérité des vautours européens. Ça nous avait étonnés mon morveux et moi. Que les Grecs disent "oxi" pour dire "non" et pour dire "oui" disent "nai". On s'emmêlait un peu les pédales quand on voulait répondre en grec.
Cet "oxi" fait dérailler un système que les créanciers pensaient bien huilé. Cet "oxi" est un premier domino qui va en entraîner bien d'autres. Cet "oxi" est la fin d'un système.
Athènes, mai 2015
Lundi 6 juillet, premier jour des vacances. Je troque voiture sans options contre VTC. Entendez par là Voiture de Transport avec Chauffeur Vélo Tout Chemin. Direction la côte normande avec A. et N., deux fous du guidon, pour le plaisir de dérouler nos roues sur les routes.
Louviers - Dieppe, via Forges-les-Eaux : 110 bornes, sous la canicule, loin des bruits du monde. A., la carte sur sa sacoche avant, est notre GPS. J'éprouve de la tendresse pour chacun des kilomètres qui successivement reçoit nos coups de savate ou de pompe, nos discussions à bâton rompu ou nos pensées silencieuses. Je laisse mon esprit divaguer sur les dernières semaines : le jardin des possibles qui est redevenu lieu de partage, le spectacle vu à Vivacité, Marée Basse - deux comparses, hantés par le passé qui jouent avec le danger pour se persuader qu’ils sont bien vivants - de la compagnie Sacekripa. Ca s'écrit pas, ça s'écrie dans ma tête, tour de roue après tour de roue.
Nous finissons tard dans la nuit et la ligne d'horizon est notre ligne d'arrivée. Nous trouvons bien mieux que les galets de la plage comme matelas : une dizaine de planches de chêne devant le poste de secours reçoit nos corps fourbus, nous improvisons des oreillers avec nos sacoches et une couverture avec la voute étoilée.
Nous nous laissons bercer par la marée montante sans demander notre reste.
Le lendemain, au tout petit matin, le ciel est flamboyances exacerbées et mouvances sur palette de rouge, orange et violet.
Plus tard dans la matinée, le front de mer était à nouveau tiré au cordeau : de la ligne d'horizon à la ligne de notre matelas en passant par la ligne de galets.
Nous avons pris la route du retour en passant par le cimetière marin de Varengeville.
12:56 Publié dans BAL(L)ADE, EXPRESSIONS ITINERANTES | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : dieppe, athènes, marée basse, sacekripa, dw. | Facebook |
dimanche, 28 juin 2015
L'avoir dans l'os
Athènes, mai 2015
Nos cédilles et nos censures
nos cénures et nos cérambyx
nos certainement et nos cependant
nos cessez-le-feu et nos c'est-à-dire
innocemment
nous croyons partir en noces
ostensiblement
nous partons en os
10:52 Publié dans BAL(L)ADE, MOTS ITINÉRANTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : os, noce, dw. | Facebook |
samedi, 21 mars 2015
Arracher la joie aux jours qui filent
Jeudi, nous étions en plein coeur du Printemps des poètes. La journée s'ouvrait avec mes biobios et un cours consacré à la création du monde, version biblique. Entre le 5ème et le 6ème jour, la porte s'est ouverte. Un couple est entré, costume noir et foulard orange. Tout s'est soudain figé dans la salle. La Femme s'est avancée au milieu de ce silence et a offert un premier poème. Mes biobios ont souri : ils étaient soudain spectateurs d'un BIP - Brigade d'Intervention Poétique - eux qui avaient, à deux reprises depuis le début de l'année, pratiqué cet exercice, les mains tremblantes - M'dame, on n'y arrivera pas! - le coeur battant et le regard lumineux - Quand est-ce qu'on recommence?
Puis ce fut au tour de l'Homme de s'avancer, fixant mes élèves un à un avec les vers d'un poème de Francis Combes qui leur correspondait si bien.
Vous les tomates qui n’avez jamais vu la terre
Vous les poissons qui n’avez jamais vu la mer
Vous les salades qui poussez dans l’eau et la fibre de verre
Vous les saumons qui n’avez jamais remonté de rivière
Et n’avez pas connu la joie d’étinceler dans l’écume
et la lumière
Vous les poulets élevés en batterie qui n’avez jamais connu
l’air libre
Jamais vu le soleil, jamais couru dans l’herbe
Vous les bananes, vous les avocats, vous les melons
Prématurés arrachés à votre famille et mis à mûrir
loin de chez vous
Dans des hangars sous des rayons
Vous les crevettes qui n’avez jamais fréquenté les grands
fonds
Et ne connaissez que l’eau du robinet
Vous tous, produits conditionnés de la grande distribution,
Révoltez-vous !
Rompez les rangs !
Formez un syndicat et faites valoir vos revendications !
Refusez d’être enfermés, déportés, calibrés !
Refusez le dopage, refusez de vous faire piquer
et regonfler
À coups d’hormones, d’OGM et d’anabolisants !
Dénoncez les cadences infernales !
Réclamez ce qui vous est dû, exigez d’avoir le temps
Et les moyens d’une vraie formation initiale !
À bas l’esclavage moderne !
Luttez pour votre dignité !
Pour des conditions de vie et de travail normales !
Faites la grève pour vous offrir
Des vacances à la mer
Un voyage auprès des vôtres en Espagne
Une randonnée sportive dans un torrent écossais
Un séjour, tous frais payés, dans une mer profonde
Au large d’une plage du Sénégal.
Exigez le temps de vivre, de grandir et de mûrir.
Et soyez certains que nous autres les humains
Nous serons solidaires de votre combat.
Parvenu au dernier vers, l'Homme leur a demandé : et vous, vous connaissez des poèmes?
Ca a fusé de tous les coins, chacun prenant le relai du précédent, le torse bombé : Oui, M'sieur, nous aussi, on a fait des BIP ! La première fois avec des Fables ! La deuxième avec La terre qui ne voulait plus tourner de Françoise du Chaxel !
La Femme : vous nous en récitez un ?
Toutes les têtes, sauf une, sont rentrées dans les épaules comme autant de tortues apeurées : euh, non, on s'en souvient plus. C'est dommage, on ne peut même pas vous les lire ! Ils sont tous dans le premier cahier de français, là on vient de commencer le second. Vous auriez dû venir la semaine dernière !
Dans cette joyeuse débandade, S. qui a toujours le regard pétillant malgré tous les sales coups que la vie lui a réservés, S. a dit : moi, je me souviens des premiers vers. Et elle s'est lancée, seule, avec audace :
Elle tournait, tournait, tournait,
Depuis des siècles la Terre
Tournait sur elle-même
Comme une danseuse
Tournait autour du soleil
Comme une amoureuse
Soudain un, puis deux puis trois l'ont rejointe dans un murmure surgi des tréfonds de leur mémoire
Sans bruit, sans histoire
Si paisible, si polie
Si fière, si forte
Si douce, Si docile
Si rassurante
Le choeur s'est peu à peu agrandi. La rumeur jaillie de la terre a pris de l'ampleur. Ce n'était plus quatre mais vingt-deux voix qui se dressaient en un même rythme
Pendant ce temps
Les hommes
Défrichent
Creusent
Gaspillent
Incendient
Mutilent
Se font la guerre
Puis la négligent
De les voir tous emportés par un même élan poétique, je vous promets que chacun des poils de mon corps s'est dressé. Appelons cela la chair de poule mais ça ne dira pas l'émotion qui fut la mienne. La Femme et l'Homme les regardaient abasourdis.
S’intéressent à la Lune
La trouvent
Trop grise
Trop laide
Trop froide
Reviennent sur Terre
Se font la guerre
Dévastent les forêts
Bouleversent les marées
Détournent les rivières
Epuisent le sol
Souillent les fleuves
Enfument le ciel
Se font la guerre
Font n’importe quoi
En font tant
Que la Terre se fâche
S’agite
Gronde
Menace
Hurle par ses tempêtes
Crache par ses volcans
Déchaîne ses océans
Puis un jour
S’arrête
Silencieuse
Immobile
Nous les avons applaudis, ils se sont applaudis, tout étonnés de ce qu'ils venaient de faire. Nous venions d'assister à une insurrection poétique...
09:35 Publié dans BAL(L)ADE, LA CLASSE !, LE SEL DE LA VIE | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : brigade d'intervention poétique | Facebook |
mercredi, 04 mars 2015
Effréné
Photo de Moucheron
Entre Vauville et Goury
Entre terre et mer
Le vent échevelé
sénestre et dextre
persévère
vers et revers
s'empresse
véhément svelte
et pêle-mêle
redresse mes pensées .
11:05 Publié dans BAL(L)ADE, LITTORAL LITTERAIRE | Lien permanent | Commentaires (16) | Facebook |
samedi, 03 janvier 2015
Dragon dénué
Hokusai, Dragon dans les nuées,
Musée Guimet, Photo Thierry Ollivier
Griffes effarouchées,
Corps rétracté dans la nuit,
Dragon, qu’as-tu vu ?
09:44 Publié dans BAL(L)ADE, PICTURA | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : hokusai, dragon dans les nuées | Facebook |
samedi, 05 juillet 2014
Florilège
L'année est sur le point de se refermer. Les cours sont terminés, les bilans des projets rédigés, mon casier vidé; les murs de ma salle, après avoir été dénudés pour le Brevet, sont à nouveau recouverts d'affiches. Reste le projet Littoral Littéraire. J'attends que M. ait fini de corriger ses copies de Bac pour que nous puissions y consacrer un peu de temps. Au moins finaliser le travail autour de Trouville. Pour me faire patienter, elle m'envoie des perles de copies qui ont planché sur Crépuscule de Victor Hugo:
Version hommage aux grands hommes
En ce qui concerne Victor Hugo né en 1802 et malheureusement mort en 1885 on peut dire qu’il est à l’âme de la littérature française avec tous le respect que j’ai pour les autres grands poètes/écrivains.
Version Raubin des bois
Victor Hugo est un auteur du XIXe siècle très connut pour ces oeuvres tel que « Les Misérables » ou « Aubin dès l’Aube »….
Version passé compliqué et accent circonflexe
Il perdît beaucoup de proche dont sa fille, ce qui l’affectât énormément, mais il gardit la tête haute et devînt un grand hômme politique. Il remportât plusieurs prix et écrit plusieurs textes ayant beaucoup de succès comme « Les misérables » ou bien encore « Quasimodo ».
Version vitaminée
« C’est le mois où les fraises sont mûres » rend une image positif car les fraises rends de bonne humeur grâce à sa couleur…
Version travaux pratiques
De plus l’utilisation de l’expression « Lèvre, cherche la bouche » l’auteur veux nous montrer, nous explique comment faire.
Version vie mode d'emploi
« Lèvre, cherche la bouche » fait référence au bisous sur la bouche que font deux personnes en couples, puis « Aimez-vous ! La nuit tombe ! » fait référence a ce que font deux personnes en couple le soir dans le lit. Victor Hugo fait aussi référence a la grossesse de la femme : « aimez-vous ! C’est le mois où les fraises sont mûres » car lorsque des femmes sont enceintes elles ont une envie particulière de manger des fraises.
Version perverse (ou altruiste ?)
La tombe, elle, n’est plus apte d’aimer, elle jette son dévolu sur la petite herbe pour qu’elle profite de sa vie.
Sont-ce ces mêmes lycéens qui ont posté à l'issue de l'épreuve -ô combien douloureuse- des twits rageurs, conseillant à Victor Hugo de fumer son brin d'herbe ou de se le carrer dans le séant?
Penser à faire découvrir à mes collégiens l'année prochaines Les Misérables...
08:37 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook |
dimanche, 26 janvier 2014
Littoral littéraire (1)
Je trouve enfin le temps d'une escale sur mes îles. Leur espace limité et l'intimité de leur géographie me permettent de souffler un peu. Faut dire que depuis plusieurs jours, semaines, je longe avec une collègue la côte normande du Tréport au Mont-Saint-Michel en des aller-retours incessants. Nous nous sommes lancées dans un projet baptisé Littoral littéraire pour le plaisir de rapprocher deux mots qui pourraient offrir l'illusion d'une étymologie commune. Il est démesuré. Inévitablement, nous finirons par demander à nos inspecteurs de nous accorder une année pour nous y consacrer pleinement.
Nous voulons répertorier les textes du XIXème jusqu'à nos jours qui évoquent la dite côte pour en établir une carte virtuelle: nous placerons là des dunes blanches et grises, ici des chanes et des siffle-vent. Nous inventerons des courants de dérives et juste après la marée haute, la mer déposera ses laisses.
En attendant nous avons déposé nos bagages dans une première ville: Alexandre Dumas, dans sa correspondance, cède à la facilité d'y voir un trou paumé. Trouville, donc. Nous y avons trouvé Pierre et Jean, Un coeur simple, les roches noires et La mer écrite. Rangés côte à côte en un inattendu barrage contre la Manche: Maupassant, Flaubert, Proust et Duras.
Je lance un S.O.S aux passants sur ces îles: qui avons-nous oublié qui viendrait compléter ce quadriptyque?
08:13 Publié dans BAL(L)ADE, BAL(L)ADE VIRTUELLE, LITTORAL LITTERAIRE | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : trouville, littoral littéraire, pierre et jean, un coeur simple, les roches noires, la mer écrite, maupassant, flaubert, duras | Facebook |
dimanche, 12 janvier 2014
Envie de rimer en -nelle
En ce premier mois de l'année, l'arbre se laisse désengourdir par le flux précoce d'une sève remontante. S'imposent à lui des effluves de citronnelle et primprenelle. A la fin du jour, dans la solitude des champs, se demande-t-il, l'arbre, quel aurait été son destin au bout d'une venelle?
08:37 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (10) | Facebook |
lundi, 23 décembre 2013
Lune diurne
Photo de Flore
Sur ma route, ce matin, j'ai croisé une lune diurne. Elle avait entendu dire que les nuits s'étaient mises à rétrécir. L'espace lui a soudain semblé étroit. Elle a débordé sur le jour naissant.
10:37 Publié dans BAL(L)ADE, EXPRESSIONS ITINERANTES | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : lune diurne, solstice d'hiver | Facebook |
samedi, 21 décembre 2013
Solstice d'hiver
Aujourd'hui solstice d'hiver.
Les arbres, désoeuvrés, contemplent leur nudité dans l'eau. En ce jour le plus court, savent-ils que leur reflet est compté? Une dernière fois.
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jeudi, 19 décembre 2013
Le livre des questions (2)
Pourquoi les vers à soie
vivent-ils si déguenillés?
Pablo Neruda
06:20 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pablo neruda, le livre des questions | Facebook |
lundi, 16 décembre 2013
Le livre des questions
"Quel est l'outil le plus tranchant? La hachette qui écourte un rêve? Ou bien la faux qui ouvre le chemin à un autre rêve?"
Pablo Néruda
09:42 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : pablo neruda, le livre des questions | Facebook |